On m’a souvent demandé ce que je prenais avec moi lors de mes reportages. Voici mon paquetage.

Depuis 2012 je réalise beaucoup de reportages, avec une préférence pour les conflits, émeutes et autres manifestations. Au fil du temps et des dégâts, j’ai appris pas mal de choses dont comment améliorer mon équipement, sans prendre note des critiques des autres photographes. Ces choses, je les décris d’ailleurs dans un autre article (lire : Comment je photographie une émeute)

Ci-dessous, voici ce que j’ai sur moi pour une émeute.

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L’ensemble du matériel.

Mon paquetage se compose donc de :

  • Sacoche rigide
  • Masque à gaz
  • Lumière frontale
  • Casque
  • Gilet balistique
  • Smartphone
  • Lingettes
  • Dogtag
  • Badges d’accréditation et autres papiers d’identité
  • Bloc note et crayons
  • 2 flash
  • Plusieurs batteries externes
  • Chargeur fonctionnant sur allume cigare
  • Protège tibias
  • iPad ou MacBook (en déplacement long)
  • Un peu de nourriture et d’eau

A présent je vais revenir dans le détail sur pourquoi ceci et comment j’en suis venu là.

Le gilet balistique est ce que je considère comme l’élément principal. Ce n’est pas un gilet par balle, bien que celui-ci soit capable d’arrêter des munitions d’une arme de poing. Ce gilet est renforcé avec deux plaques d’acier trempé de 6mm d’épaisseur de 30cm par 30cm ainsi que d’une autre plaque côté corps afin de dissiper les impacts et autres ondes de choc. Une plaque de chaque dans le dos, et sur le torse, pour un poids total de 9,7 Kilos.

Celui-ci dispose également d’un rabat qui remonte le long de la nuque (et le bord du casque prend la relève ensuite) afin de protéger mon cou.

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Mon gilet et l’une des plaques.

L’intérêt d’un tel gilet me direz-vous ? En réalité, c’est à la fois inutile, et indispensable. Tout va dépendre de ce que vous allez photographier, et de votre style de photo. Moi je suis de l’école UGA, c’est à dire Ultra Grand Angle. Je prends tout entre 10 et 20 mm. Jamais ou très trèèèèès rarement au dessus de 35mm. De ce fait, cela implique que je sois dans l’action, que je vive l’instant au plus près, quitte à être collé aux émeutiers et autres manifestants.

Si toutefois vous faites partie de ce que j’appelle les « téléobjectifs » et que vous êtes planqués à l’autre bout de la rue à râler à chaque fois que quelqu’un passe dans les 100 mètres qui séparent le « photographe » du sujet, ça ne servira pas à grand chose.

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L’épaisseur de l’une des deux plaques.

En tout cas, il faut bien garder une chose à l’esprit, c’est que quand vous êtes photographe, vous êtes un élément neutre. Vous êtes à la fois présent et absent. Visible et invisible. Soit les gens vous ignoreront, soit ils vous prendront pour cible.

Les forces de l’ordre pourraient vous prendre pour un casseur, et les casseurs pourraient vous prendre pour un indic’ des forces de l’ordre. C’est pour cette raison que j’ai deux mentions « PRESS » sur mon gilet. Une devant, en petit, centré, et une derrière en gros.

Les autres photographes se moquent toujours de moi, jugeant ça inutile. Et puis finalement, quand les tirs de flashball fusent, que des projectiles volent dans tous les sens, que des bouteilles explosent à quelques centimètres de vous, si ce n’est sur vous, et bien croyez-moi, je suis le premier à rire en voyant les moqueurs fuir terrifiés sans avoir le temps prendre de photos.

Toutefois, il faudra garder une chose à l’esprit, c’est que vous pèserez presque 10 kilos de plus. Alors certes, vous serez bien protégé, mais ça sera un élément à prendre en compte. Si vous n’êtes pas un minimum sportif vous allez vraiment avoir du mal avec ça. Je vous rappelle que vous êtes tout de même amenés à courir dans tous les sens en permanence.

Evan - Emeutes de Nantes 1/11/15 par Théo.
Evan – Emeutes de Nantes 1/11/15 par Théo.

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Le gilet a beau rester une décision personnelle, le casque en revanche est lui indispensable. En vrai, les gens ne savent pas du tout visé, vous vous en rendrez-compte très rapidement. Régulièrement vous serez amené à vous prendre quelque chose dans la tête. Un casque c’est pas spécialement cher, et ça protège votre caboche. C’est vital. Surtout que quand je vois l’état du mien (photo ci-dessous, il est presque neuf il n’a connu « que » deux émeutes celui-là) je me dis que ma tête a déjà été sauvée plusieurs fois.

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Le casque.

J’ai légèrement modifié ma sangle d’attache pour lui ajouter un mousqueton afin de l’attacher à ma ceinture quand je n’en ai pas besoin afin de libérer mes bras et ma tête.

Mise à jour d’Avril 2015 –

J’ai récemment mis la main sur un casque Spectra, le type de casque utilisée auparavant dans l’armée française. Je me suis donc séparé de mon ancien casque en photo dans cet article.

La forme est la même, mais les performances en terme de protection et de confort n’ont rien à voir. Pour trouver ce genre d’équipement, les surplus militaires sont un bon moyen.

Equipement photo emeutes evan forget photographe
L’intérieur du casque.
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Comme tous les casques de ce type, un tissu à la bordure caoutchoutée pour le maintient est fourni. Cela permet d’adapter le camouflage en fonction du lieu.
Equipement photo emeutes evan forget photographe
Casque

L’intérêt d’avoir un casque comme celui-ci, fourni avec un tissu, est qu’il permet d’être identifié facilement. Sur les photos, j’ai laissé le tissu d’origine, mais l’idéal étant d’avoir un tissu un peu bleu nuit. C’est la couleur internationale pour la presse.

La photo ci-dessous représente moi-même, ainsi que Jérémie en arrière plan (un de nos collaborateurs) prise par Karl Colonnier (un autre collaborateur de Studio Raw). Même quand vous avez la tête baissée pour regarder votre appareil, le casque vous protégera.

Par Karl Colonnier - Emeutes Nantes Février 2015
Par Karl Colonnier – Emeutes Nantes Février 2015

Dernier point avant de passer aux accessoires.

Sur la photo ci-dessous prise le 21 février 2015 à Nantes par Tiphaine, l’une de nos membres, on peut voir Karl, (un de nos collaborateurs à Studio Raw) à genoux et moi. Ou plutôt mes fesses. Enfin les deux.

Nantes, le 21-02-15
Nantes, le 21-02-15

Sur cette photo je ne porte pas de gilet balistique mais un blouson en cuirette marron. Une matière qui ressemble au cuir mais en un peu plus brillant. Là où c’est intéressant c’est que les liquides ne restent pas sur ce type de vêtement.

Ainsi dans une manifestation, si vous voyez des canons à eaux arriver, sachez que votre gilet balistique ne servira à rien, et vous serez trempé tout pareil. Au moins avec ça, l’eau ne restera pas sur vous et vous ne tomberez pas malade. L’inconvénient c’est que c’est (très) facilement inflammable. Attention donc aux poubelles en feu et autres cocktails molotov.

Vous pouvez bien entendu cumuler les deux mais attention, vous risquez d’avoir chaud.

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Les protèges tibias. Du moins, en version un peu « hackée ». Alors bien entendu, vous pouvez en avoir une deuxième paire aux tibias, mais ce qui est vraiment intéressant c’est sur les bras (avec vos manches par dessus pour les couvrir).

Quand un projectile se dirige vers vous, ou que quelqu’un vous agresse, que faites-vous ? Dans la logique, un reflex naturel fera que vous mettrez les bras devant votre visage pour protéger celui-ci, ce qui est tout à fait normal. Mais du coup, qu’est-ce qui protège vos bras, uhm ?

De plus, les protèges tibias ont un avantage : Celui d’être renforcé pour les chevilles, ce qui tombe à peu près (une couture peut éventuellement être à refaire selon votre morphologie) à vos poignets. Pas mal non ? Ça coute rien, ça se trouve partout, et ça vous tranquillisera.

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Protection bras.
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Protection bras.
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La protection sur les poignets.

Au niveau des petits accessoires, en plus des protèges tibias que nous venons de voir, il y a aussi un masque à gaz indispensable pour survivre plus de quelques secondes dans les nuages de lacrymogènes. Sans ça, dites adieu à vos poumons et vous allez cracher vos tripes jusqu’à ce que ça passe.

La petite lampe frontale quand à elle est facultative, tout dépend de ce que vous allez prendre en photo. Mais pour déboucher les ombres ou même pour retrouver son chemin le soir, c’est pratique. Quand je l’utilise, c’est que c’est aussi pour moi plus pratique qu’un flash par moment, dans la mesure où j’ai un viseur numérique. Avoir un peu plus de lumière facilite aussi le travail de l’appareil pour l’AF en basse luminosité.

Au passage, avoir des lunettes de piscine ou des lunettes « hermétiques » vous feront le plus grand bien. La fumée ne fait pas que vous faire cracher vos poumons, elle vous oblige aussi à fermer les yeux. Ces derniers deviennent rouge et pleurent en permanence, parfois pendant plusieurs minutes.

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Masque + lunettes de protection

Vous ne pourrez même plus avancez droit, alors oubliez l’idée de prendre des photos sans foirer la mise au point ou le cadrage, sans parler des réglages d’exposition.

A travers les lunettes.
A travers les lunettes. Je ne vous cache pas qu’on voit pas super bien, surtout si vous avez par dessous des lunettes de vue. Mais entre ne pas voir grand chose, et ne pas voir du tout…

Un smartphone sera aussi très apprécié lors de ce genre d’évènements pour plusieurs raisons. La première, vous pourrez avoir une carte en temps réel de là où vous êtes et ainsi ne pas vous perdre, surtout dans une ville que vous ne connaissez pas. La seconde, vous aurez aussi la possibilité avec certaines applications de taguer des endroits afin par exemple de définir un point de rassemblement si vous êtes en groupe, un point d’évacuation, ou même là où vous êtes garé.

Enfin, un smartphone vous donnera la météo en temps réel, ainsi que les heures à partir desquelles le soleil sera moins important et autres (indispensable pour vos réglages et le choix de votre matériel)

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Sacs, masque, protection et lumière.

Concernant le matériel photo, choisissez bien. Pas besoin de prendre forcément tout ce que vous avez. D’ailleurs, avoir deux boitiers est un +. Un objectif sur chaque, vous perdrez moins de temps à prendre l’autre boitier en main qu’à changer d’objectif sans arrêt.

De plus, changer régulièrement d’objectifs ou travailler en extérieur peut avoir un effet grave : celui de déposer poussière, saletés et autres bestioles sur votre capteur ou votre objectif. De ce fait, il est très important d’avoir toujours quelque chose de propre avec lequel nettoyer ses objectifs. Car même si un point ou une tâche est rattrapable sur Lightroom ou Photoshop, imaginez que vous avez 350 photos à rattraper comme ça. Vous gagnerez du temps en passant un coup de lingettes toutes les 15 minutes. (Ça enlèvera aussi les traces de doigts sur l’objectif qui vont perdre de la netteté à votre photo)

Je prends également toujours un petit calepin avec deux crayons pour prendre mes notes, ainsi qu’un chargeur qui s’alimente sur le secteur et sur l’allume cigare de la voiture, plusieurs batteries externes, une chiffette, deux flash (un petit et un gros), des dogtags et mes papiers.

Aujourd’hui j’utilise un Fujifilm X-T1 avec un 16-55 f/2.8, et un 35mm f/1.4 pour les moments où la lumière commence à manquer. Il m’arrive aussi d’emmener mon 60mm f/2.4. Le dernier ne me sert que pour des portraits mais je le prends quand même au cas où je ne puisse pas m’approcher d’un sujet particulier. À une époque, j’utilisais non-stop le 10-24 f/4 de Sigma, mais ça, c’était quand j’étais encore chez Nikon.

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Accessoires.

Avant de travailler au X-T1, j’avais un x100s partout avec moi. Dans l’idéal, j’aimerais pouvoir ramener un x100T noir avec WCL-X100 pour le côté discret. Ce format de petit boitier ultra performante et compact me manque beaucoup.

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Un Fuji x100 noir avec le WCL-x100.

A présent que nous avons vu le matériel photo, voyons avec quoi les traités. C’est toujours pratique d’avoir un outil informatique derrière, surtout si c’est sur un déplacement d’au moins 2 jours, ou avec une temps creux sur une longue journée. Ça vous permet de faire déjà un point sur votre travail, d’envoyer directement à l’organisme pour lequel vous bosser des images ou bien même, plus simple, mettre à jour un contenu facebook, un site, etc, avec les photos de la journée.

Sur iPad, il existe un adaptateur (29€, existant en 30 broches ou lightning) permettant de décharger le contenu de sa carte SD sur l’appareil. C’est plus pratique et moins lourd/cher que d’avoir un ordinateur portable avec soi. Tout dépend de vous, de vos besoins.

Macbook et iPad
iPad et MacBook Pro Retina 15″

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Concernant les dogtags, là encore c’est facultatif. L’intérêt pour moi est simple : J’ai tout de gravé dessus. Mon nom, prénom, initiales des 2ème et 3ème prénom, numéro de sécurité social, groupe sanguin etc. L’intérêt c’est qu’en cas de blessure grave, les personnes qui me prendront en charge auront déjà de précieuses informations qui feront gagner du temps. Rien que le groupe sanguin déjà ça peut tout changer.

Un coup à la tête vous faisant perdre connaissance est très vite arrivé. Double intérêt, c’est la seule chose que vous pourrez garder sur vous au quotidien. Je ne vous le souhaite pas, mais vous pouvez très bien vous faire renverser par un bus ou une voiture en allant au travail ou chercher le pain.

Dogtag
Dog Tag

Concernant vos papiers, ils peuvent vous êtres demandés en cas d’arrestations par les forces de l’ordre. Dans ce cas, ne prenez JAMAIS les originaux. Imprimer toujours une photocopie qui restera dans votre sac de photo. Ainsi en cas de vol, agression, destruction etc, vous ne perdrez rien de vos documents.

En déplacement vous aurez besoin de votre carte d’identité, votre permis, d’un peu d’espèce, et votre badge d’accréditation. Pas besoin de carte bancaire ou autre. Là encore, c’est un coup à se la faire voler, la perdre ou autre.

Un article dédié à la photographie d’émeute arrivera prochainement sur ce site, je n’entre donc pas dans les détails de comment réagir face à ceci ou cela. Toutefois gardez bien une chose à l’esprit: avant de vous moquer de l’équipement d’un photographe, il faut au moins prendre la peine de lui demander pourquoi il porte ça.

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Ok, nous sommes en France. Mais ça ne vous empêchera pas de vous prendre un coup de couteau si vous croisez un mec trop défoncé pour faire la distinction entre vous et un flic à la tombé de la nuit, de vous prendre un tir perdu de flashball dans le visage, d’avoir un cocktail molotov dans la poitrine comme ça a pu m’arriver sur l’opération César en 2012, ou de prendre une bouteille de verre qui vous explose dans le dos.

Une émeute, qu’importe son pays, reste une émeute. Le feu ne brûle pas plus fort ailleurs, un coup de matraque ne fera pas moins mal en France. Si déjà vous partez en reportage avec l’idée qu’il ne vous arrivera rien parce que vous êtes dans une ville Française, alors rentrez chez vous.

C’est article n’est pas révélateur de ce qu’il vous faudra ou non. C’est un descriptif de ce que moi j’utilise, après de nombreuses expériences personnelles. Libre à vous de faire comme bon vous semble.

Quelques extraits de vidéos diverses dans lesquels vous pouvez m’apercevoir.


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LIBRE

3 commentaire sur “Que faut-il pour photographier une émeute ?

  1. Bonjour, j’aimerais vous proposer de partager ce « kit » sur mon projet My Vital Kit.
    Le formulaire est à votre disposition ou je peux le faire à votre place si vous m’en donnez l’autorisation.

    En vous remerciant d’avance.

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