Conseils, guide pratique, pièges à éviter… La photo de feu d’artifice, c’est tout un art.
Comme d’habitude, entre la théorie et la pratique il y a un gouffre. Le principal problème avec la photographie de feu d’artifice, c’est le manque de possibilité de s’entrainer.
En moyenne, ce genre d’événement ne dure qu’une vingtaine de minutes, nous n’avons donc que peu de temps pour réaliser des tests et peaufiner nos réglages avant de trouver ce qui convient.
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Mais les réglages, quels sont-ils ?
Bien qu’il soit possible de réaliser des photos de ce genre avec n’importe quel smartphone ou appareil photo, je vais ici aborder la pratique avec un appareil photo de type hybride ou reflex, c’est à dire un appareil sur lequel il est possible de changer l’objectif, et de modifier à volonté la triade vitesse/diaph/iso.
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Tout d’abord, la mise au point.
Il est possible, je dis bien « possible » de réaliser ce genre d’image en utilisant la mise au point automatique de votre appareil.
Toutefois, il est probable que celle-ci rencontre de nombreux problèmes. Entre la fumée, les soucis liés à la couleur de l’explosion, la distance, la luminosité ambiante, la façon dont votre appareil fonctionne… Bref, autant de paramètres à prendre en compte. Mais ça vaux le coup d’essayer après tout.
Je vous recommande donc de réaliser vos photos en manuel si vous rencontrer le moindre soucis. En mettant la bague sur « infini » vous ne devriez pas trop avoir de problème.
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Et pour le reste ?
Il faut bien garder une chose à l’esprit, c’est que pour ça comme pour le reste, il n’y a pas de réglages magiques. Les explosions étant différentes d’un instant à l’autre, et d’un feu à un autre, il est impossible de prédire à l’avance et avec précisions ce qu’il faudra faire pour vous adapter.
En revanche, il est possible de varier les réglages du tout au tout afin d’obtenir des rendus différents. Tout dépendra de vos préférences personnelles bien entendu.
Par exemple, pourquoi ne pas tenter une pose longue ?
Par défaut, on voudra forcément faire de l’instantané, vu que c’est ce que nous faisons presque toujours quotidien. Mais il ne faut pas oublier que là, nous allons jouer avec des effets de lumière intéressants. L’utilisation d’une pose longue peu donc donner quelques effets sympas à condition bien entendu de savoir doser ses secondes.
La photo ci-dessous a par exemple été prise avec 10 secondes de temps de pose, comme la précédente. Toutefois, il y a pour le coup des explosions extrêmement fortes, et un mouvement important de la foule au premier plan. Cette photo est donc « ratée » alors qu’elle possède les mêmes réglages que la photo précédente.
Ci-dessous, j’ai fais l’inverse. En changeant de cadre, j’ai modifié ma composition, et mes réglages pour l’occasion en photographiant cette fois à 1/180. Le rendu d’une telle vitesse fera que vous figerez chaque détonation. Vous éviterez également les surexposition, mais attention, il y a du coup un risque de sous-exposition, particulièrement sur les éléments de décors autour de vous, à moins de monter vos ISO. Mais du coup, attention au bruit !
En fonction du vent et de l’explosion, certaines vitesses lentes ressembleront à de l’instantané, comme cette image réalisée à 1/15ème.
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Trépied ou pas ?
Encore une fois, ça va dépendre de vous. Mais si vous réalisez des poses longues, ou en dessous d’1/30ème, le trépied deviendra obligatoire. Il est toutefois largement possible de prendre vos photos sans ça, en fonction de vos choix artistiques.
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Le choix de l’objectif ?
J’utilise du 16 ou du 23mm, du moins je préfère. L’utilisation d’un grand angle vous permettra d’intégrer plus d’éléments dans votre cadre. Mais à l’époque où j’étais chez Nikon et que je baladais mon 70-300 partout avec moi, je me souviens avoir pris de nombreuses image à 200mm ou + avec un très bon rendu.
Là encore, question de choix personnel. C’est aussi la zone où vous serez qui définira si oui ou non vous pouvez vous approcher en conséquences. Si vous êtes collé au feu, 300mm vous servira à rien. Par contre si vous êtes à 500 mètres, pourquoi pas.
Sur la photo ci-dessous, on voit que c’est un « petit » feu d’artifice. Pris dans la commune de Corcoué sur Logne le 13 Juillet 2015, je ne m’attendais pas à un grand spectacle haut en couleur. Je me suis donc rapproché à la limite de la zone de sécurité avec un 16mm et je n’ai pas bougé de là.
En revanche, ici, je photographiais le feu d’artifice de la Roche sur Yon, en Vendée. Le spectacle était tout autre.
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Le Flash ?
Si je te vois utiliser un flash, je te retrouve, et te met un gros taquet. Point barre. Un flash, dans ce genre de situation, NE SERT STRICTEMENT A RIEN. Ce point est peut-être évident pour certains, mais c’est juste hallucinant le nombre de personnes utilisant ce genre de choses devant un feu d’artifice.
En effet, à part emmerder tous les gens autour de vous, ça ne vous apportera rien de le mettre. Ce genre de truc, ça éclaire sur allez.. 5-10 mètres maximum. Le feu est à quoi, 100, 200, voir 400 mètres de vous ? Donc voilà.
Pour faire plus simple, j’ai réalisé ce fantastique dessin pour mieux me faire comprendre :
Je pense que là du coup, c’est parlant.
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La composition ?
Bien qu’il soit possible de prendre vos images en cadrant directement le ciel, l’intégration d’éléments de décors dans votre image ajoutera plus de valeur à celle-ci. A vous de jouer avec ce que vous avez autour de vous.
Sur la première photo de l’article, on voit que j’ai décentré mon feu d’artifice pour intégrer une structure éclairée.
J’aime, à titre personnel, intégrer aussi des personnes ou des éléments spécifiques au premier plan. Le rendu n’est pas toujours très bon, et il faut faire de nombreux essais, mais c’est ma touche perso qui différencie un peu des images des autres.
Attention à ne pas faire non plus QUE ce genre d’image. Il vous faudra aussi quelques bons clichés du feu d’artifice, l’idéal étant donc de varier les compositions, et de vous déplacer un maximum si vous en avez la possibilité afin de varier vos cadrages. Mais faites vite, le temps passé à vous déplacer est du temps perdu à photographier.
Ce qui rends bien aussi, c’est d’intégrer des reflets dans votre image. Si par exemple le feu est tiré au bord de l’eau, l’intégration du reflet des explosions avec un grand angle pourrait donner de bons résultats.
L’autre astuce, c’est de varier ses cadrages. Comme le démontre la photo ci-dessus, j’ai pris quelques images du feu de Corcoué sur Logne en mode portrait. Ça change un peu, et permet plus de dynamisme. L’ouverture volontaire à f/2.8, c’était pour conserver de la couleur/lumière sur le chemin en premier plan.
Ci-dessous, deux autres exemples de format portrait pour vous montrer… Un piège à éviter.
Bien que l’image suivante n’est pas à proprement ratée, celle-ci aurait peut-être gagnée à avoir un cadrage un peu plus large. Malheureusement pour moi, j’étais au maximum et impossible de me reculer d’avantage. N’oubliez pas que le cadrage en portrait vous faites certes gagner en hauteur, mais vous piège sur la largeur.
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Le déclenchement ?
Toujours trop tôt, ou trop tard, pas vrai ? C’est assez dur de déclencher au bon moment. Bien sûr, si vous faites de l’instantané il y a toujours moyen de faire des rafales, mais si vous faites des poses de plusieurs secondes, c’est cuit.
Par exemple, sur cette image j’ai déclenché trop tôt. Un feu était en route et a explosé dans le ciel JUSTE APRÈS. Les boules.
Sur l’image ci-dessous, j’ai trop attendu. Les lumières c’étaient déjà dispersées.
Si vous prenez des images en pose longue, je vous recommande de vous mettre à la valeur ISO la plus basse (100 ou 200), aux environs de f/8 pour avoir une bonne qualité d’image (au niveau du piqué notamment) et à ne pas trop aller au dessus de 8 secondes.
Bien sûr, tout cela est théorique et dépends du résultat recherché. Mais vous n’aurez pas besoin de vous mettre à des ouvertures comme f/1.4 ou f/1.8.
En revanche, si vous faites des images à mains levées, et instantanées, là vous aurez besoin de monter votre sensibilité ISO de façon à l’adapté à la luminosité ambiante, et d’ouvrir probablement au maximum votre diaph’ afin de faire entrer le plus de lumière possible.
Attention en revanche, l’avantage d’être à quelque chose comme f/8 en pose longue permet de diminuer grandement les erreurs de mise au point, surtout si vous êtes en manuel. À f/1.4, une erreur sera très vite arrivée et impardonnable. Une exposition se rattrape, un flou… non.
J’ai retouché une des images de cet article pour la rendre flou, histoire de vous donner du concret.
Toutefois, si le flou est recherché, le rendu peu être intéressant. J’ai par exemple ici fait la mise au point sur mon premier plan.
Une autre astuce pour le déclenchement consiste à utiliser un temps de pose VRAIMENT très long, genre 20 ou 30 secondes, et à mettre quelque chose devant votre objectif en permanence comme un petit morceau de carton.
L’intérêt est que vous êtes sûr d’avoir une image au bon moment, puisque votre appareil est toujours en train de prendre la photo. Il suffira simplement de retirer le carton que vous tenez devant l’objectif afin que la lumière de l’explosion soit captée par le boitier.
Cette méthode permet d’avoir de beaux effets de poses longues, tout en diminuant grandement les parasites liés à la lumière ambiante.
Faites attention en revanche à ne pas taper dans l’objectif ou l’appareil en faisant ça. Si vous le faites bouger même de quelques millimètres sur une pose longue le résultat sera flou.
Autre astuce, l’usage d’une télécommande.
J’ai lu que certains photographes disent qu’il est IMPOSSIBLE (de manière catégorique) de prendre des photos de feu d’artifice sans déclencheur externe. A eux aussi, j’aimerais mettre un taquet.
Bien qu’utiliser une télécommande apporte, certes, un confort indéniable, je n’ai pris AUCUNE photo de cet article avec cette méthode. Toutes avec mon doigt sur le déclencheur. Alors qu’on ne vienne pas me dire que c’est assurément impossible 🙂
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Autres astuces, des bouchons et l’écran.
Un feu d’artifice fait beaucoup de bruit. L’utilisation de petits bouchons d’oreilles ne sera pas de trop, croyez moi. Surtout si celui-ci dure plusieurs dizaines de minutes et que vous êtes proches.
L’autre astuce que j’ai à vous donner, c’est celle qui consiste à baisser la luminosité de l’écran. Déjà, vous vous exploserez moins les yeux, et vous serez moins dérangeant pour les personnes autour de vous. Avouez-le, le coup des écrans qui brillent partout autour de soi, c’est parfois chiant. Perso, j’ai un écran inclinable, donc je l’oriente directement vers le ciel, et met la luminosité à -5 (Mon boitier va de +5 à -5).
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Encore un point important : Le temps.
Le temps passe vite devant un feu d’artifice. Trop vite. Au feu d’artifice de Corcoué sur Logne (dont quelques images sont utilisées ici) je n’ai pris que des poses longues de quelques secondes. De 5 à 20 pour être exact. Sauf que quand on enchaîne des poses de 20 secondes, le nombre d’images devient.. faible. Ça fais moins de 3 photos par minute. Si celui-ci dure 10-15 minutes comme beaucoup de « petits » feu d’artifice, vous allez vite vous retrouvez avec peu d’images.
Gardez un oeil sur votre montre, demandez autour de vous si vous savez combien de temps le feu va durer, et faites en fonction de la durée impartie. Une fois qu’il est terminé, c’est terminé.
Ne partez pas avec des regrets.
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La retouche ?
Cette étape n’est pas forcément indispensable, mais pourra vous permettre de récupérer certaines images qui étaient limites au niveau de votre exposition, ou bien de donner des effets sympas à d’autre.
Sur l’image ci-dessous par exemple, j’ai, au pinceau via Lightroom, saturé d’avantage les couleurs et modifié légèrement la balance des blancs pour avoir une explosion plus colorée.
Sur une pose longue, vous pourrez rattraper de légères surexpositions.
Enfin, n’oubliez pas que vous pouvez aussi adapter la balance des blancs à tout moment si vous photographiez en RAW. En effet, si vous ne l’avez pas configuré dans votre appareil au moment de la prise de vue, vous pourrez toujours revenir dessus plus tard.
Comme en témoigne la photo ci-dessous, juste changer la balance des blancs (Auto boitier à gauche, Auto lightroom à droite) modifie complètement son atmosphère.
Je vous recommande d’ailleurs vivement de photographier en Raw. Exemple sur l’image ci-dessous. La photo de gauche est celle qui a servie d’exemple pour la surexposition dont j’ai parlé au début de l’article. A droite, j’ai en quelques clics pu améliorer grandement une image qui était complètement ratée.
Voici le rendu final de l’image ci-dessus :
En résumé.
Il vous faudra :
- Un trépied pour les poses longues
- Un grand angle pour cadrer le paysage qui va avec
- Une faible sensibilité ISO
- De la patience. Vous raterez beaucoup de photos, surtout au début
- Pas de mains levées sous 1/60 (possible mais à éviter)
- La retouche vous aidera à fignoler exposition/couleurs en cas de besoin
- Eventuellement un déclencheur filaire ou infrarouge
- Un petit carton noir pour masquer l’objectif au besoin
Toutes les photos de cet article ont été prises au Fujifilm X-T1 avec un 23mm f/1.4 ou un 16-55 f/2.8 pour le Hellfest, à l’occasion du feu d’artifice des 10 ans du festival le 20 Juin 2015, et à Corcoué sur Logne pour le 13 Juillet 2015.